Interview d’Isabelle Collin, Responsable Nudge Unit à la SNCF

« La vie, ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre à danser sous la pluie. ». Telle est la devise d’Isabelle Collin, une brillante dirigeante de la SNCF en charge de la stratégie « Nudge » (si vous ne savez pas ce que c’est normal, poursuivez la lecture !). Dans ce passionnant entretien, elle revient sur son enfance et ses études, son rôle à la SNCF pour améliorer l’expérience et nous conseille un très bel ouvrage ! Une personne vraiment inspirante !

 

 

1. Pouvez-vous nous raconter votre enfance ? 

J’ai grandi à la campagne, entourée de champs et de forêts. Je garde de cette période de ma vie un souvenir de liberté et de proximité avec la nature, la possibilité d’aller et venir comme bon me semblait, l’exploration au bout de mes pieds. J’ai grandi dans un environnement où les traditions ont beaucoup d’importance, j’en ai acquis le goût pour ce qu’on peut appeler les choses simples de la vie, ces petits détails du quotidien qui semblent anodins voire routiniers mais, qui condensent en fait beaucoup d’humanité. Enfant, j’étais une lectrice infatigable, je dévorais tous les livres qui me passaient sous la main. 

2. Comment avez-vous choisi vos études (Sciences Po Grenoble) ?

 

J’ai nourri très tôt une passion pour la « chose politique ». Enfant, j’adorais regarder les débats politiques et tout spécialement, le débat de l’entre deux tours à l’élection présidentielle. Je me souviens aussi des discussions argumentées avec mon père sur tel ou tel sujet d’actualité. Pour moi, intégrer un institut d’études politiques était comme une évidence, car cela représentait à mes yeux les études de la curiosité pour le monde. Après mon baccalauréat, j’ai donc choisi une classe prépa littéraire qui comportait une partie d’enseignements préparant aux concours des IEP. Ce qui m’intéressait était de comprendre les phénomènes de société et les systèmes politiques, décrypter les enjeux de pouvoir, expliquer les comportements politiques des individus. Ces motivations premières ont été satisfaites par mes années passées à Sciences po Grenoble.

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3. Comment êtes-vous arrivée à la SNCF ? Quelle est votre vision de l’innovation dans le service public ? 

 

Je suis entrée dans le groupe SNCF via la filiale iDTGV, qui avait pour mission de renouveler l’expérience de voyage en TGV. C’était une entité très dynamique, avec une culture un peu à part du reste du groupe, qui a osé pas mal d’expérimentations et a préfiguré Ouigo notamment. Beaucoup d’innovations sont nées dans cette fifiale et se sont diffusés ensuite : les animations à bord des trains, comme les concerts ou des séances de massage, les voitures silences, les abonnements TGV illimités, etc. Pour moi, l’innovation dans le service public est une innovation qui doit se faire pour les citoyens/usagers et avec eux. Je crois beaucoup en la co-construction : que l’on soit agent du service ou que l’on en soit l’usager, nous sommes tous acteurs et pouvons travailler ensemble à l’améliorer, le renouveler, le rendre plus cohérent avec les besoins qui évoluent aussi vite que notre monde évolue.

 

 

 

4. Comment utilisez-vous les sciences comportementales pour améliorer l’expérience client à la SNCF ? Qu’est-ce que le « Nudge » popularisé par le prix Nobel Richard Thaler ? 

 

Le Nudge est un terme anglais qui signifie coup de pouce. C’est une méthode qui vise à inciter ou dissuader les individus d’effectuer un comportement, tout en leur laissant la liberté de choix. Cette incitation douce aide les personnes à passer de l’intention à l’action. Elle est issue des sciences comportementales qui étudient les comportements humains et surtout les éléments qui les influencent.

Les sciences comportementales nous permettent de trouver des solutions nouvelles à des problèmes importants rencontrés dans les trajets du quotidien : blocage des portes, bagages oubliés, espaces surchargés, embouteillage aux portes de validation… A travers nos projets Nudge, on vise à améliorer la fluidité du parcours, l’information voyageur, on cherche aussi à réduire les incivilités et favoriser les interactions positives entre voyageurs. Nous avons également beaucoup travaillé sur la crise Covid, pour inciter au respect des gestes barrière.

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5. Quel est le roman (ou le film) qui vous a le plus marqué et pourquoi ? 

Ce n’est pas un roman mais un essai : L’eau et les rêves, de Gaston Bachelard, mais aussi ses autres essais sur l’imagination et les éléments. C’est d’abord une écriture magnifique, comme un cours d’eau qui vous entraîne dans une flânerie spirituelle. J’ai découvert que la philosophie pouvait être aussi poésie. Ses réflexions sur les différents états de l’eau et ce qu’ils peuvent évoquer, inspirer dans l’imagination des hommes sont si puissantes.

 

 

6. Quel est le rêve qui vous reste à réaliser ? 

 

Il y en a tellement ! Ecrire un livre, faire un grand voyage avec mes enfants, pouvoir rejouer en concert avec mes amis… Ce ne sont pas les rêves qui manquent, et la période actuelle très restrictive, a fait allonger la liste.

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7. Avez-vous un dicton ou un proverbe auquel vous pensez souvent ? 

La vie, ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre à danser sous la pluie.

 

8. Quel est le plus beau voyage que vous ayez réalisé ? Pourquoi ? 

J’ai une passion pour l’Italie. Comme je ne peux y vivre, j’aime y retourner le plus souvent possible. Un endroit m’a particulièrement marqué : le Cap de Milazzo, en Sicile. Il y a une crique qui s’appelle la piscine de Vénus. On a l’impression d’être au bout du monde, la nature a façonné un écrin incroyable. Je m’y suis baigné avec des amis, c’était à la fois un moment de joie et en même temps, le temps était suspendu.

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9. Quel est le meilleur conseil qu'on vous ait jamais donné ? 

Sois vraiment dans le temps présent.

 

10. Comment progressez-vous ? 

En testant des choses nouvelles, en osant me remettre en question… Dans ma vie personnelle comme dans ma vie professionnelle, j’aime beaucoup découvrir régulièrement de nouvelles choses qui vont me faire évoluer dans ma manière de penser et d’agir. 

 

*Photo : Jean-Claude Francolon

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