Portrait de Marie Petitcuénot, la fondatrice d'un podcast pour femmes libres
Ce qui gronde" est le formidable livre qui vient de paraître chez Flammarion de Marie Petitcuénot auteure, animatrice du podcast "Michelle" et conseillère spéciale au sein d’un cabinet ministériel. Quel plaisir de partir à la rencontre de cette jeune femme dynamique et inspirante ! Dans cet entretien elle se confie à nous sur son parcours et ses ambitions.
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- Pouvez-vous nous raconter votre enfance ?
J’ai eu une enfance privilégiée, puisque je suis enfant unique de deux parents qui ont fait tout pour que je sois libre et heureuse. J’ai grandi à Nancy, que j’ai quittée à 18 ans. J’ai été élevée dans une exigence permanente de l’excellence et de la performance, à l’école et dans le sport. Il n’y avait pas de repos, pas d’autosatisfaction possible, il y avait toujours un objectif plus élevé à atteindre.
Je garde de mon enfance des souvenirs de longs trajets d’été en voiture sans climatisation, d’odeur de parquet en bois des gymnases, et de grandes parties de jeux de société.
2. Comment avez-vous choisi vos études ?
J’ai fait une prépa littéraire parce que je n’avais pas envie de quitter les lettres. J’ai fait Sciences-Po parce que la politique m’intéressait. Et j’ai fait l’ESCP pour être Plug & Play dans l’entreprise. Mais tout cela n’a jamais été vraiment calculé. J’ai toujours eu deux moteurs : avoir de l’ambition, le plus possible, et ne jamais transiger sur ce qui me fait envie, m’intéresse, même si ce n’est pas cohérent, pas compréhensible de l’extérieur et même si ça me ferme des portes ailleurs.
3. Quelle a été la genèse du cabinet de conseil en communication 15 Juillet ?
J’ai toujours travaillé avec et pour des dirigeants. J’aime réfléchir avec eux, écrire pour eux, les questionner, les nourrir, les aider à incarner les valeurs qu’ils portent. En 2014, je travaillais comme salariée et j’avais de plus en plus de difficultés à me plier à des règles que je n’avais pas fixées et qui parfois me paraissaient absurdes. L’ADN de l’entreprise avait un ADN très différent du mien et la greffe ne prenait pas vraiment. Deux clients m’ont demandé de leur faire un contrat, ils venaient pour moi, alors c’était l’occasion. En créant Quinze Juillet, j’ai à la fois pris concrètement les rênes, mais j’ai pu me mettre pleinement, à travers mes clients, à la recherche d’une parole juste, profonde et qui crée de l’émotion.
4. Quelle est la mission du podcast Michelle que vous animez ?
Michelle raconte des histoires de femmes libres, des femmes qui essaie de l’être, de femmes qui échouent et qui tentent à nouveau. J’avais envie de créer un espace de questionnements, de réponses, et de silences pour que les femmes puissent s’exprimer… Je crois que des récits peuvent changer une vie, je crois qu’en écoutant ces femmes parler à cœur ouvert de leurs espoirs, de leurs réussites et de leurs échecs, des jeunes filles et des femmes pourraient trouver des appuis pour se remettre debout et continuer leur propre chemin.
5. Après plus de 60 épisodes, quels sont les grands enseignements issus de la confrontation des invitées avec les limitations et les stéréotypes de la femme et de la mère ?
Que chacune d’entre nous fait ce qu’elle peut ! Qu’il n’y a pas de recettes ni de principes, mais qu’il faut chercher sa liberté et la fidélité à sa nature. Je crois que nous nous ressemblons plus que nous voulons le croire dans ces quêtes-là, entre femmes mais aussi entre hommes et femmes. Mais je vois aussi qu’il y a encore du chemin et que notre capacité à nous affranchir des stéréotypes reste fébrile, réversible, transgressive.
Tous les féminismes sont utiles et remarquables. Mais il me semble qu’en France, dans le spectre, il nous manque une voix radicale dans son propos – c’est-à-dire qu’on ne négocie pas avec l’objectif : égalité totale, zéro tolérance pour la moindre violence – mais charismatique et fédératrice pour embarquer ces femmes que j’ai interrogées. Parfois elles hésitent à se dire féministes parce qu’elles ont peur de l’image trop agressive que cela leur renvoie. Or, je crois que nous avons besoin de créer les conditions d’une coalition actives de femmes et d’hommes.
6. Pour quelles raisons avez-vous rejoint la haute administration (cabinet de la Ministre de l’Industrie) ? Quelle est votre vision du service public et de l’intérêt général ? Comment améliorer l’efficacité des politiques publiques ?
J’ai rejoint le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher pour deux grandes raisons. Une raison « froide » qui touche à l’intérêt des sujets que l’on traite. Avec la crise et le plan de Relance, on vit des moments historiques, et c’est une chance de les vivre de l’intérieur. Une raison « chaude » qui m’a poussée vers une Ministre et une équipe très ambitieux et très attachants, et cet attachement se décline dans les nombreuses rencontres que je fais parmi les chefs d’entreprises et intellectuels.
La question des politiques publiques est complexe. On se heurte parfois à une injonction paradoxale entre des acteurs privés qui déplore trop d’Etat et qui, dès que la situation s’aggrave comme pour la crise sanitaire, se tournent immédiatement vers l’Etat. Quoiqu’il en soit, les politiques publiques sont toujours un équilibre fragile entre la nécessité d’un Etat visionnaire garant du long terme et l’hybridation avec toutes les forces vives de la société civile pour définir les meilleurs moyens de l’atteindre.
7. Que raconte votre roman « Ce qui gronde » qui vient de sortir chez Flammarion ?
Ce qui Gronde, c’est le moment où vous appelez tout le monde pour quitter la plage, vous cherchez la troisième tong, les maillots de bain trempés au fond du sac, vous comptez les enfants… et celui qui manque, peut-être que c’est vous…
Ce roman vient d’une expérience à priori banale d’avoir 3 enfants et un travail. Il raconte ce moment de bascule, d’un moment de trop, trop d’enfermement, de concessions, où on est épuisée, étrangère à soi. J’ai voulu retrouver le chemin de la sincérité, dire l’angoisse, pour dire aussi la poésie, la lumière.
C’est aussi un plaidoyer tacite pour une parentalité plus détendue, des parents suffisamment bons au sens de Winnicott. Au-delà de nos grands discours d’éducation, je crois que les enfants apprennent de nos forces, de nos déloyautés. Ils nous voient chercher notre liberté et c’est comme ça qu’ils se construisent, dans nos interstices
8. Qu’est-ce qui est le plus facile et difficile dans l’écriture ?
Parfois, il y a la fatigue, la difficulté à discerner et à sentir les mots, parfois il y a ces relectures où on a envie de se cacher sous la table tellement on trouve ça mauvais…
Mais écrire, c’est une joie, c’est une forme de légèreté fabuleuse, c’est la force vitale qui prend toute la place, c’est ne jamais être seule, c’est être libre.
9. Si vous pouviez inviter 3 personnes à un dîner, quelles seraient-elles ?
Marguerite Duras, Ruth Ginsburg et Albert Camus
10. Comment partagez-vous votre temps aujourd’hui ? Parvenez-vous à déléguer ?
Je suis très aidée à la maison, les enfants sont plutôt autonomes notamment pour les devoirs. En cabinet ministériel, l’organisation est assez horizontale, on délègue peu, mais mes camarades sont d’une intelligence, d’une vivacité incroyables, et leur niveau d’engagement est sans limite. C’est un grand plaisir.
Mais je ne pratique jamais d’économie précise de mon temps. Je ne me limite pas, je tire sur la corde de tous les côtés. C’est dans ma nature !
11. Quel est le roman (ou le film) qui vous a le plus marqué et pourquoi ?
Trop dur de choisir !
- Les Justes de Camus pour cette magnifique dialectique entre l’amour amoureux et la justice pour l’humanité
- Antigone de Sophocle, parce qu’où que vous soyez, quoi que vous fassiez, quelle que soit l’époque, vous êtes toujours ou Antigone ou Créon. Il suffit de savoir où se situe
- Les Braises de Sandor Marai, parce que c’est le plus beau récit qui soit sur l’amitié
- Milles Vies de Laurent Gaudé parce qu’il n’y a rien de plus beau et de plus fort ce que cette question « qui es-tu ? »
- Crime et châtiment de Dostoïevski parce que c’est le début d’une grande passion pour la littérature russe et qu’elle ne m’a jamais quittée depuis
- Ecrire de Marguerite Duras, parce qu’il n’y a rien de plus vrai, de plus juste et de plus libre qu’elle dans son écriture
12. Quel est le rêve qui vous reste à réaliser ?
Écrire et publier pendant 50 ans, pour briser la solitude, pour mettre les mots juste sur l’angoisse et sur la lumière, pour le rythme et la poésie, pour approcher ma liberté d’un peu plus près…
… et vieillir aussi bien qu’Edgar Morin.
13. Quelle est votre addiction ?
Le sport et les fakes de photos de Poutine qui chevauche des animaux sauvages.
14. Quel est le morceau que vous écoutez en boucle en ce moment ?
La reprise de The Sound of Silence par Disturbed et Conquest of Space de Woodkid
15. Avez-vous un dicton ou un proverbe auquel vous pensez souvent ?
On se reposera quand on sera mort.
16. Quel est le plus beau voyage que vous ayez réalisé ? Pourquoi ?
Un long week-end sur le lac de Côme. Parce qu’il y la grandeur un peu rude des montagnes, la beauté du lac et le charme solaire et défraîchi des villages italiens. Certainement aussi parce que j’étais clandestinement en quête de ma grand-mère, née à quelques kilomètres de là.
17. Quel est le meilleur conseil qu'on vous ait jamais donné ?
N’apprends jamais à repasser.
18. Comment progressez-vous ?
En n’écoutant que mon envie et mon énergie, en ne réfléchissant pas trop aux risques, en échouant sans penser un seul instant que ça me condamne à échouer toujours. En ne me posant pas trop la question…
19. Que pensez-vous des compléments alimentaires ? En prenez-vous personnellement ?
Dans un monde idéal, avec une hygiène de vie parfaite et le temps nécessaire pour tout planifier, on n’aurait pas besoin de compléments alimentaires. Mais la vie n’est jamais idéale et je ne vois pas pourquoi je me priverais de compléments alimentaires si je juge que cela serait utile à ma santé ou mon bien-être. Néanmoins, je veux que la composition soit irréprochable et je privilégie les produits fabriqués en France ou en Europe.
Crédit photo : Céline Nieszawer
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